L’intérêt actif pour les pays pauvres – en développement pour être politiquement correct – est un élément infiniment important de la maturité civique de notre époque. Il exprime en effet l’interdépendance « globale » qui caractérise notre époque, il participe de notre richesse et parallèlement cache les risques jusqu’à présent plutôt dissimulés. Pour les pays « cibles » – en particulier en Afrique -, il apporte une aide directe, même si elle est parcellaire. Pour moi, ce qui est encore plus important est l’intérêt en lui-même, l’empathie humaine qui transcende les « intérêts » économiques. Le plus important est néanmoins l’expérience de la misère humaine : c’est seulement dans ce face-à-face que nous pouvons, nous Européens gâtés nous extirper de notre souci infantile de nous-mêmes, apprécier à leur juste valeur nos propres « problèmes » et nous orienter dans cette période étrange et unique dans laquelle nous vivons.
La maturité, après tout, ne signifie pas l’assertion de ses propres libertés et exigences, mais elle ne commence que lorsque l’individu commence à prendre ses responsabilités. « L’aide au développement » officielle que les pays riches apportent prudemment aux plus pauvres et aux pauvres, n’aurait pas de sens si elle n’était pas accompagnée de cet intérêt humain de connaître et d’aider. Il ne s’agit pas d’un quelconque souci ou une sinistre obligation, mais bien d’une belle opportunité pour chacun qui se lance dans une telle activité. Comme l’a écrit André Gide, « le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté mais dans l’acceptation d’un devoir ».